Le projet de construction et d’ouverture de nouvelles « routes de la soie » , des axes terrestres et maritimes pour le transport de marchandises, fait débat depuis son annonce par le président chinois Xi Jinping en 2013. Focus sur les enjeux et les caractéristiques d’une stratégie de grande envergure, entre coopérations et interrogations.
Les routes de la soie, qu’est-ce que c’est ?
L’initiative de liaisons terrestres et maritimes entre l’Europe et la Chine n’est pas une nouvelle résolution. Il y a des siècles, les anciennes routes de la soie comptaient déjà plusieurs réseaux commerciaux par lesquels ont transité un grand nombre de marchandises et biens matériaux mais également les techniques et les représentations abstraites de l’époque tels que les idées et autres représentations intellectuelles.
Quand l’histoire se répète
Dans le passé, les anciennes routes de la soie furent empruntées à des fins commerciales durant des siècles et leur histoire s’étend sur près de 2000 ans. Ces réseaux de routes terrestres et maritimes, reliant les pays d’Europe et l’empire Chinois, se sont particulièrement développés sous la dynastie Han de Chine (206 av. J.-C. – 220 apr. J.-C.).
C’est à partir de la fin du XIXème siècle que l’on attribua un nom à ces voies, le géographe et géologue allemand Ferdinand Von Richtofen, les nomma « Routes de la soie ». La soie circulant sur les routes à cette époque était en effet
une marchandise particulièrement convoitée et constituait une véritable monnaie d’échange.
Bien plus tard, en 1992, les anciennes républiques soviétiques de l’Asie central saisissent l’UNESCO dans l’optique du lancement d’un projet de routes de la soie, traduisant un désir de revendication de leur patrimoine culturel. À cette époque, la Chine, liée historiquement à ces anciens réseaux commerciaux, fait partie des pays se montrant favorables à ce projet.
Retour au XXIe siècle. Xi Jinping, président de la Chine depuis quelques mois seulement, expose son projet titanesque en Septembre 2013 lors d’une visite au Kazakhstan : l’ouverture de nouvelles routes de la soie. Ce projet de développement social et économique, impliquant une soixantaine de pays et s’appuyant sur un ensemble de coopérations mutuelles, présente trois grandes ambitions sur le plan géoéconomique : l’approfondissement des échanges entre le continent Européen et le continent asiatique, une intensification des relations économiques entre les deux continents et l’opportunité d’expansion des pays d’Eurasie comme le Kazakhstan.
Quels enjeux pour les nouvelles routes de la soie ?
C’est un projet qui ne manque pas d’ambition. Il semblerait que la stratégie de Xi Jinping ne soit pas nouvelle et s’inspire de l’initiative de Mao Zedong, qui, en 1949 avait l’idée d’un « marathon de 100 ans ». Son objectif : faire de la Chine la première puissance mondiale avant 2049, devant les Etats-Unis. Du point de vu de la mondialisation, cette initiative profite pleinement à la Chine, notamment face à l’Inde et la Russie, et constitue pour le pays de véritables avantages politiques, économiques et stratégiques :
- L’opportunité, pour la Chine, de réduire les tensions entre Pékin, les Etats-Unis et les Philippines en mer de Chine ;
- Le souhait d’accroître son influence jusqu’aux pays européens ;
- La possibilité, pour l’Asie Centrale et la Chine intérieure, de s’expandre et d’échapper à l’isolement géographique ;
- Le renforcement de l’influence économique et politique de la Chine dans toute l’Asie centrale, une région tournée vers la Russie de manière historique.
Le Japon et l’Inde tentent de contrer la stratégie chinoise et c’est ainsi qu’en 2016 est lancé le projet de financement de « Routes de la liberté », composé d’infrastructures à travers le monde est constituant un corridor entre l’Asie et l’Afrique. Le projet pharaonique des nouvelles routes de la soie pose cependant plusieurs problématiques : Si les pays d’Europe de l’Est et d’Asie centrale voient en celui-ci une niche d’opportunités, certains pays d’Europe occidentale se montrent plus réticents, redoutant des répercussions négatives telles qu’une dépendance envers la Chine. Concernant les Etats-Unis, le président Joe Biden aurait émis le souhait de rivaliser avec ces nouvelles routes de la soie, et le pays serait opposé à un projet donnant la possibilité à la Chine de renforcer son influence.
La carte d’un nouveau monde
Cette stratégie comporte deux dimensions : « One belt, one road », la ceinture et la route. Toutes deux sont représentatives de l’étendue et de la complexité de cette entreprise. Réseaux routiers, réseaux ferroviaires, réseaux maritimes et constructions d’infrastructures sont de mise pour ce projet. Un projet dont la ceinture économique comprend une succession de points géographiques et stratégiques, du continent Européen à la Chine par l’Afrique et l’Asie centrale.
La plupart des pays du monde sont concernés par les nouvelles routes de la soie, l’axe ferroviaire s’étend sur une distance de 12 000 kilomètres et la circulation des marchandise par la voie terrestre s’effectue à travers 6 pays :
- La Chine
- Le Kazakhstan
- La Russie
- La Biélorussie
- La Pologne
- L’Allemagne
- Le Pays Bas
Pas moins de 24 pays figurent sur l’itinéraire de l’axe routier, reliant plusieurs pays d’Europe, comme les Pays Bas et même la France, à la Chine en passant notamment par le Kazakhstan, le Kirghizistan, l’Ouzbékistan et le Tadjikistan. Enfin, l’axe maritime des routes la soie comprend un ensemble de ports et d’infrastructures portuaires, tels que les ports de Quanzhou, Hanoi, Kuala Lumpur et Nairobi, allant de la mer de Chine à la mer méditerranée. Tous sont reliés par un trajet dont l’itinéraire comporte le détroit de Malacca, le golf du bengale, la côte est de l’Afrique en passant par l’Océan Indien, et le canal de Suez.
Pointé du doigt par l’actualité
Le Canal de Suez constitue un point de passage maritime fondamental pour ce projet. Récemment bloqué durant plusieurs jours, l’entravement du canal egyptien par l’Ever Given met en évidence une réelle problématique pour les navires circulant sur les nouvelles routes de la soie. En cas de blocage, une alternative se présente : le passage par le cap de Bonne-Espérance allongeant considérablement le temps du trajet auquel s’ajoutent 10 jours supplémentaires. De plus, le cap de Bonne-Espérance a mauvaise réputation auprès des cargos. Surnommé le « cap des tempêtes », il fut durant plusieurs siècles le témoin de naufrages réguliers. En raison de sa dangerosité due à des vents violents et la présence d’une multitude de côtes rocheuses, les navigateurs ne montrent que peu d’entrain à l’idée d’un passage par cette zone géographique.
Le Cap de Bonne-Espérance, seule alternative ?
Une seconde alternative semble pourtant tirer son épingle du jeu : le passage par l’arctique, au nord de la Russie. Cet axe maritime par l’océan arctique, permettrait de réduire la durée des voyages par voie maritime de la Chine vers Rotterdam. La banquise constituant jusqu’ici un désavantage de taille pour la circulation des navires dans l’arctique, le réchauffement climatique et la fonte des glaces semblent présenter de nouvelles opportunités pour la Russie qui possède le plus grand nombre de navires brise-glaces. Cette alternative comporte cependant son lot d’obstacles, les bateaux souhaitant emprunter cette voie sont dans l’obligation d’en informer la Russie dans un délai d’une quarantaine de jours avant leur passage. L’intensification du trafic au sein de cette zone géographique pourrait également avoir un impact considérable sur le plan écologique avec le réchauffement climatique dans la région sibérienne et l’apparition de
phénomènes météorologiques.
À lire pour en savoir plus :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Route_de_la_soie
https://fr.wikipedia.org/wiki/Nouvelle_route_de_la_soie
https://www.ouest-france.fr/leditiondusoir/2021-03-26/existe-t-il-une-alternative-au-canal-de-suez-en-passant-par-la-siberie
https://www.nationalgeographic.fr/histoire/le-cap-de-bonne-esperance-la-dangereuse-alternative-au-canal-de-suez
https://www.sciencesetavenir.fr/archeo-paleo/patrimoine/chine-la-ceinture-et-la-route-un-projet-mondial-qui-a-un-train-d-avance_112903
https://opee.unistra.fr/spip.php?article389
[Un article de Romane Palfroix, dans le cadre du cours de rédaction web]